Allocution du patriarche Bartholomaios au Saint-Sépulcre

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Renoncer au fanatisme religieux, choisir l’amour

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« N’ayons pas peur de la mort ; n’ayons pas peur non plus du mal, malgré toutes les formes que ce mal puisse revêtir dans notre vie. La Croix du Christ s’est adossée toutes les flèches du mal (…): quiconque, comme dans le cas du Christ, est crucifié dans cette vie, verra la résurrection suivre la croix », affirme le patriarche Bartholomaios.

Voici notre traduction intégrale de l’allocution de Bartholomaios Ier, patriarche oecuménique de Constantinople, à Jérusalem, dimanche 25 mai, en la basilique de la Résurrection – Saint-Sépulcre après les lectures, au cours de la célébration œcuménique de la Parole, aux côtés du pape François, du patriarche Théophilos de Jérusalem, du patriarche arménien Nouhrad, du Custode de Terre Sainte, le P. Piernbattista Pizzaballa, ofm, représentant les trois communautés du « Statu Quo » et de représentants des autres confessions chrétiennes.

Il a dénoncé la fanatisme religieux et appelé à l’amour: « Le fanatisme religieux menace désormais la paix dans tant de régions du globe, où le don de la vie est sacrifié sur l’autel de la haine religieuse. Devant cette situation, le message qui émane de ce tombeau qui donne la vie, il est urgent et clair: aimer l’autre, l’autre avec ses différences, qui suit d’autres religions et confessions. »

A.B.

Allocution du patriarche Bartholomaios

« Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait » (Mt 28, 5-6).

Votre Sainteté et bien-aimé frère en Christ,

Votre Béatitude Patriarche de la sainte Cité de Jérusalem, bien aimé frère et concélébrant dans le Seigneur,

Vos Eminences, Vos Excellences, et vous tous les représentants des Eglises et des confessions chrétiennes,

Honorables frères et sœurs,

C’est avec crainte, émotion et respect que nous nous trouvons devant « l’endroit où le Seigneur reposait », le tombeau vivifiant d’où a jailli la vie. Et nous rendons gloire à Dieu miséricordieux, qui nous a rendus dignes, nous Ses indignes serviteurs, de la suprême bénédiction de faire de nous des pèlerins dans les lieux où le mystère du salut du monde s’est révélé. « Que ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu, la porte du ciel !  » (Gn 28, 17).

Nous sommes venus ici comme la femme qui porte la myrrhe au premier jour de la semaine «  pour regarder le sépulcre » (Mt 28, 1), et nous aussi comme les femmes nous exhortons l’exhortation angélique: « Soyez sans crainte ». Otez des vos cœurs toute crainte, n’hésitez pas, ne désespérez pas. Ce tombeau irradie des messages de courage, d’espérance et de vie.

Le premier et le plus grand des messages qui jaillit de ce tombeau vide c’est que la mort, notre « dernier ennemi » (cf. 1 Co 15, 26), source de toute peur et de toute passion, a été vaincue; celle-ci n’a plus le dernier mot dans notre vie. Elle a été vaincue par l’amour, par Lui qui, volontairement, a accepté de souffrir et mourir  par amour des autres. Chaque mort par amour, par amour de l’autre, se transforme en vie, la vraie vie: « Le Christ est ressuscité des morts, en mourant il a terrassé la mort et à ceux qui gisaient au tombeau Il a donné la vie ».

N’ayons pas peur de la mort ; n’ayons pas peur non plus du mal, malgré toutes les formes que ce mal puisse revêtir dans notre vie. La Croix du Christ s’est adossée toutes les flèches du mal : la haine, la violence, l’injustice, la douleur, l’humiliation — tout ce dont peut souffrir les pauvres, les personnes fragiles, les opprimés, les exploités, les marginalisés et les affligés dans ce monde. Qu’il soit tout de même clair: quiconque, comme dans le cas du Christ, est crucifié dans cette vie, verra la résurrection suivre la croix; la haine, la violence et l’injustice n’ont pas d’avenir, car l’avenir appartient à la justice, à l’amour et à la vie. On devrait donc travailler dans cette optique avec toutes les ressources disponibles, des ressources d’amour, de foi et de patience.

Un autre message émane néanmoins de ce vénérable tombeau, devant lequel nous nous trouvons en ce moment. C’est le message que l’histoire ne peut être programmée, que le dernier mot dans l’histoire n’appartient pas à l’homme mais à Dieu. Les gardes du pouvoir séculier ont surveillé vainement ce tombeau. En vain ils ont placés une grande pierre pour en fermer l’accès et que personne ne puisse ainsi la rouler et l’ôter. Les stratégies à longs termes des pouvoirs mondains sont vaines et en y regardant bien, tout est aléatoire face au jugement et à la volonté de Dieu. Tout effort de l’humanité aujourd’hui de façonner son avenir de manière autonome et sans Dieu est vaine prétention. 

Enfin, ce tombeau nous invite à repousser une autre crainte qui est peut-être la plus répandue dans notre ère moderne, soit la peur de l’autre, du diffèrent, la peur de celui qui adhère à une autre foi, à une autre religion ou une autre confession. Dans un grand nombre de nos sociétés contemporaines les discriminations raciales et autres formes de discrimination sont encore aujourd’hui répandues; et pire encore, il est fréquent que celles-ci imprègnent même la vie religieuse des personnes. Le fanatisme religieux menace désormais la paix dans tant de régions du globe, où le don de la vie est sacrifié sur l’autel de la haine religieuse. Devant cette situation, le message qui émane de ce tombeau qui donne la vie, il est urgent et clair: aimer l’autre, l’autre avec ses différences, qui suit d’autres religions et confessions. Les aimer comme des frères et des sœurs. La haine conduit à la mort, tandis que l’amour « chasse la crainte » (1 Jn 4, 18) et conduit à la vie.

Chers amis, il y a cinquante ans, deux grands guides de l’Eglise, le pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras, chassèrent la crainte, chassèrent d’eux la crainte qui avait prévalu pendant un millénaire, une peur qui tint les deux anciennes Eglises, l’occidentale et l’orientale, à distance l’une de l’autre,  voire même parfois l’une contre l’autre. Mais quand ils se sont placés devant cet espace sacré, ils ont transformé leur peur en amour. Et aujourd’hui nous voici ici avec sa Sainteté le pape François, leurs successeurs, en train de suivre leurs traces et honorer leur héroïque initiative. Nous avons échangé une accolade d’amour, pour continuer notre marche vers la pleine communion dans l’amour et la vérité (cf. Ep 4, 15) afin que « le monde croie » (Jn 17, 21), car aucune autre voie que celle de l’amour, de la réconciliation, de la paix authentique et de la fidélité à la Vérité,  ne conduit à la vie.

C’est le chemin que tous les chrétiens sont appelés à suivre dans leurs relations réciproques — quelle que soit l’église ou la confession à laquelle ils appartiennent  — se donnant ainsi en exemple au monde entier. La route peut être longue et fatigante; certains pourraient même avoir l’impression d’une impasse. Mais ce chemin est le seul qui mène à l’accomplissement de la volonté du Seigneur que « tous soient uns  » (Jn 17, 21). Cette volonté de Dieu a ouvert le chemin parcouru par le guide de notre foi, notre Seigneur Jésus Christ crucifié et ressuscité en ce lieu saint. C’est à Lui qu’appartiennent la gloire et la puissance, en union avec le Père et l’Esprit Saint, pour les siècles des siècles, Amen.

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu » (1 Jn 4, 7).

Traduction d’Océane Le Gall

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